Bon, c’est l’heure de se mettre à table et de vous avouer quelques petites choses dont je ne suis pas spécialement fière…. Il y a quelques années quand je recevais à dîner chez moi, je n’envisageais pas de proposer autre chose qu’un service à l’assiette. Je passais, comme vous le savez, de longues heures en cuisine à préparer des plats sur la base de recettes minutieusement dénichées et pour moi, le service à l’assiette était le point d’orgue du repas, ce moment un peu « waouh » où les convives s’exclament de plaisir. Quand j’y pense, au-delà de mettre les papilles en émoi et d’inviter à la dégustation collective (l’avantage avec ce type de service, c’est qu’on est quand même tous prêts en même temps ! ) – ce qui était ce que je (me) racontais à l’époque -, je me rends compte que cela me permettait aussi de satisfaire mon ego, de me sentir utile et dévouée aux autres (n’avais-je pas préparé un bon repas ?) et d’être satisfaite par l’effet de surprise que je venais de créer. Evidemment, je n’étais pas forcément consciente de tout cela.
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Prises de conscience en pagaille
En revanche, je mesurais bien à quel point le service à l’assiette satisfaisait mon perfectionnisme et mon envie de bien faire tout en m’autorisant une petite touche de créativité. Libre à moi alors de dresser des assiettes individuelles en soignant la décoration et en portant une attention particulière à l’harmonie des couleurs, en prenant le temps aussi de disposer les choses comme je l’entendais. J’avais à cœur de faire quelque chose de joli, des assiettes visuellement raffinées et au demeurant parfaitement « tendance ». C’était l’époque des verrines à tout va (souvenez-vous, tout ce qui était comestible finissait inexorablement dans une verrine !), très éloignée du retour en force des plats de partage aujourd’hui dans les restaurants. Bref, cachez cet ego que je ne saurais voir !
J’avais aussi conscience, je crois, que cette façon de recevoir faisait écho à mon besoin de maternage. J’avais à cœur de tout prendre en charge en cuisine et refusais même les suggestions d’aide (comme les propositions de se charger du dessert par exemple), quitte à me lever plus tôt le jour J pour être prête dans les temps….. parce qu’il était important pour moi de prendre soin de mes convives. Et de fait, j’en prenais soin et me chargeais de les nourrir, sans même qu’ils n’aient à bouger de leur chaise, tout en en tirant une grande satisfaction et beaucoup de fierté.
Pour être honnête (même si là, pour le coup, je n’en suis pas fière), j’avais plus de mal à admettre que le service à l’assiette répondait aussi à mon besoin d’équité. Partager un plat (et être tenue de respecter un minimum de savoir-vivre en me servant en dernier en tant que cuisinière !) a toujours eu quelque chose de stressant pour moi. Cela réactivait une peur d’être lésée, très ancrée en moi et issue de la famille nombreuse dans laquelle j’ai grandi. Lorsque j’étais enfant, le service se faisait toujours en posant un plat familial sur la table, ce qui occasionnait quelques tensions, presque imperceptibles (on ne se chamaillait pas pour ça, pas de ça chez nous !) et pourtant bien présentes, au sein de la fratrie, chacun de nous espérant secrètement avoir les meilleurs morceaux (enfin ceux qui avaient nos faveurs, le blanc du poulet par exemple !). Avec le service à l’assiette, pas de stress au moment du partage, elles sont toutes strictement identiques et donc, le pensais-je, équitables (j’ai depuis compris que ce qui est égalitaire n’est pas forcément équitable, au sens de « juste »).
Plus pitoyable encore (je n’en suis plus à ça près au chapitre des confidences !), cette façon de procéder satisfaisait aussi à mon besoin de contrôle. J’ai en effet réalisé relativement récemment que le service à l’assiette revenait, ni plus ni moins, à décider pour l’autre (ce qu’ils vont manger et dans quelles quantités), ce qui, il faut bien l’admettre, a un petit côté totalitaire, non ?! Evidemment, j’exagère un peu…. Mais à bien y réfléchir, faire les mêmes assiettes pour tous les convives est quand même une drôle d’idée qui part du présupposé que nous sommes tous pareils, avec les mêmes goûts et les mêmes besoins, quelle que soit notre constitution, notre sédentarité ou notre appétit du jour ! Hum, ce n’est pas exactement ce que j’appelle être respectueux de l’autre dans son altérité ! D’autant qu’au-delà d’être contrôlante et infantilisante, cette façon de faire peut être très gênante pour les convives qui n’oseraient pas dire non et se forceraient à manger pour faire plaisir, pour ne pas décevoir, pour ne pas se faire remarquer ou pour faire comme les autres (rayez la mention inutile).
Et changement de comportement, en douceur
Heureusement, j’ai pris conscience de ce qui m’avait poussée dans cette stratégie de service à l’assiette et qui, inutile de le préciser, a été le fruit d’un cheminement avec la Cuisine Thérapie. Et pour tout vous dire, depuis que j’ai identifié ces peurs et entendu les besoins qui se cachaient derrière, je suis aujourd’hui capable de lâcher prise avec toutes ces crispations liées au perfectionnisme, au désir de materner, à l’envie d’équité et de contrôle. Capable d’écouter mes envies et sensations corporelles (je vous rassure, je n’y arrive pas toujours et peux me laisser entraîner par le mouvement et la convivialité et aller au-delà de ma satiété), de partager un repas avec des personnes qui ne vont pas forcément manger comme moi (ni dans le contenu, ni dans les quantités), de voir sereinement les autres se resservir ou d’être capable moi-même d’oser m’autoriser une seconde assiette même si je suis la seule, et d’assumer que ma faim ou ma gourmandise n’ont pas à être conformes à celles des autres. Bref, je sais de mieux en mieux m’écouter et j’ai gagné alors en souplesse, en sérénité, en lâcher-prise et en spontanéité !
Comme souvent avec la Cuisine Thérapie, il s’agit de se questionner et de mettre de la conscience dans nos comportements pour décider s’ils nous conviennent ou si nous souhaitons nous en délester. Les premières raisons qui vont surgir d’une introspection sont en général neutres et nous mettent peu en danger, ce sont les plus évidentes et les plus faciles à dire. Pourtant, lorsque l’on gratte un peu, on s’aperçoit que nos façons de faire sont souvent en lien avec nos peurs, avec des besoins non satisfaits ou encore avec des croyances profondément ancrées. Je suis convaincue qu’on a tous nos névroses alimentaires (voilà qui devrait en déculpabiliser certains !), le tout c’est d’en être conscient et de savoir composer avec, voire de les ajuster si le cœur nous en dit !
Je serai très curieuse de savoir si cela fait écho chez vous….. N’hésitez pas à partager ce que vous en pensez dans les commentaires !
Crédit photo : https://www.rd.com
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