Je viens de terminer La guerre des repas n’aura pas lieu ! de Patrick Serog et Roseline Lévy-Basse, respectivement nutritionniste et psychothérapeute qui donnent des conseils pratiques pour résoudre les conflits alimentaires avec ses enfants. Je suis bien incapable de vous en faire une fiche de lecture tant cet ouvrage est riche mais ce livre m’a fait réfléchir. Notamment sur le principe de don et de contre-don, qui est à la base de ce qui se joue dans l’alimentation : la maman nourrit son bébé qui lui retourne sourire et satisfaction. Don et contre-don sont intimement liés et le don n’a de valeur que lorsqu’il existe un échange, quand cela n’est pas seulement unilatéral et que l’autre peut donner en retour. Avoir en tête ce mécanisme permet de comprendre ce qui se joue dans l’alimentation où les conflits autour des repas sont souvent liés à un blocage dans le flux don / contre-don entre les parents et l’enfant.
Au-delà de ce concept (applicable au demeurant dans toute relation), j’ai été interpellée par une invitation à faire un point sur son passé alimentaire. Réfléchir à son modèle familial est en effet indispensable pour élaborer son propre cadre, celui que l’on souhaite poser avec ses enfants au moment des repas. Parce que la nourriture permet aussi de transmettre des valeurs, les auteurs proposent de réfléchir aux principes éducatifs que l’on a reçus sous 3 angles… Et cette introspection fait sens, me semble-t-il, que l’on ait ou pas des enfants ! Je vous la livre donc ici, avec en prime ce que cette réflexion a généré chez moi.
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Ce qu’on veut jeter
Pour faire simple, il s’agit ici de ce qu’on a détesté étant enfant et que l’on ne souhaite donc pas reproduire une fois adulte. De mon côté, ce dont je souhaite me débarrasser :
- Le fait de se mettre à table même quand on n’a pas faim, par habitude parce qu’il ne faut pas sauter de repas ou pour toute autre conviction alimentaire qui avait cours à l’époque…. Heureusement, les choses sont en train de changer doucement, et il est de mieux en mieux admis aujourd’hui d’écouter son ventre, et uniquement lui, avant de décider de manger !
- Les repas classiques (plat et dessert et de la viande tous les soirs, ce qui a bien changé depuis dans mon univers familial !) et très peu de repas hors cadre. Pique-nique, apéro dînatoire ou plats régressifs ne faisaient pas vraiment partie de mon modèle familial…. Sans doute la raison pour laquelle ces repas me plaisent tant aujourd’hui ?
- Le « on va manger, ce sera fait, on sera débarrassé » de ma mère, lasse de cuisiner. A sa décharge, nous étions 7 bouches à nourrir et elle était souvent seule à cuisiner, ce qui explique qu’elle vivait cela comme une corvée. Ce que, du reste, vivent beaucoup de mères de famille.
- Les repas boudeurs, silencieux ou pesants quand l’un d’entre nous (souvent le même !) n’était pas dans un bon jour et/ou les moments de stress quand il fallait partager les morceaux de poulet car nous n’aimions tous que le blanc (les enfants du moins) !
Ce qu’on voudrait garder et transmettre
Evidemment, me reviennent plein de choses que je souhaite maintenir parce qu’elles me tiennent à cœur :
- La tradition et le rituel du repas de Noël : d’une année sur l’autre, les menus continuent à être similaires, et cela n’a jamais engendré la moindre lassitude chez moi ! Famille nombreuse oblige, Noël représente le symbole de nos retrouvailles familiales et agit comme un pilier, un phare dans nos dispersions géographiques…. Même aujourd’hui, j’aurais du mal à imaginer fêter Noël sans ma famille !
- Les repas vietnamiens (avec cette odeur du riz parfumé reconnaissable entre toutes) représentaient un moment festif et identitaire où l’on n’entendait pas une mouche voler, où chacun se servait au fur et à mesure dans les différents plats de spécialités en fonction de son appétit.
- L’apprentissage des recettes (crêpes, gâteau au chocolat) avec ma mère et l’autonomie croissante en cuisine, la fierté à réaliser des plats par moi-même et à faire rentrer certaines recettes dans le panthéon familial.
- La virée dans la pâtisserie du coin de la rue le mercredi midi pour aller chercher les desserts qui nous chantaient, l’occasion de questionner nos gourmandises respectives.
- Les manières de table, que je trouvais pesantes et exigeantes quand j’étais gamine et dont je suis éternellement reconnaissante aujourd’hui… même s’il peut m’arriver de prendre quelques libertés (saucer un plat par exemple !).
- Les frites et le barbecue le week-end, mon père en cuisine, les petits-déjeuners du dimanche matin quand il allait chercher croissants et ficelles.
- Le petit-déjeuner au lit pour ma mère pour son anniversaire, un moment de plaisir pour elle évidemment et une jolie façon pour les enfants de remercier pour toute la charge de travail qu’on lui donnait le reste du temps.
- Le fait de ne pas avoir de place attitrée à table, et d’être capables de s’adapter à plusieurs configurations !
Ce qu’on peut faire concrètement pour se sentir mieux
Evidemment, toute cette éducation alimentaire et ces souvenirs ont depuis lors été complétés par mes expériences de vie, qui m’ont permis d’affiner mes envies :
- Donner une large part aux dégustations diverses et variées : en voyage ou chez moi, j’apprécie le fait de savourer, de prendre le temps d’explorer des spécialités gastronomiques locales (tout autant que culturelles), j’aime découvrir des nouveaux produits, faire preuve de gourmandise.
- Privilégier l’improvisation et le sans recette, suivre mon inspiration en cuisine, m’autoriser des incartades créatives.
- Ecouter ma faim et mes sensations alimentaires, peu importe le respect des sacro-saintes règles diététiques et peu importe aussi ce que font les autres (qui jouent souvent un effet d’entraînement).
Une introspection intéressante et fructueuse donc, qui m’a permis de mesurer à quel point les moments de table et les repas sont « trois fêtes quotidiennes » pour moi (pour reprendre les mots d’Amin Maalouf pour qui la gourmandise est « un cadeau du ciel, une bénédiction ! »). Si le cœur vous en dit, profitez des quelques jours de répit qui précèdent la rentrée pour vous poser ces questions, je suis sûre que vous en apprendrez beaucoup sur vous !
La photo, c’est un déjeuner vietnamien, un festival de plats savoureux et parfumés, le repas familial par excellence, bref le plat identitaire pour moi !
Praticien Cuisine Thérapie :
10 questions pour savoir si ce métier est fait pour moi
Merci pour cet article intéressant. Je vais prendre le temps et du plaisir à réfléchir à ce qui émerge pour moi en répondant à ces questions.
Avec plaisir Céline !!! N’hésite pas à me partager tes découvertes, si le coeur t’en dit ?