J’avais envie de partager un nouveau témoignage d’un participant (une participante en l’occurrence) à un atelier Papilles Créatives, pour vous permettre de mieux comprendre ce qu’il se passe dans ces séances et comment la cuisine thérapie peut permettre certains déclics…. Et peut-être vous donner envie, vous aussi, d’essayer ?
Si vous préférez lire, rendez-vous sous la vidéo.
Le témoignage de A.
A. souffre d’anorexie mentale, une maladie que beaucoup connaissent de nom mais à laquelle peu d’entre nous sont familiers, tant il s’agit d’un trouble complexe et multi-facettes (pas seulement alimentaire, loin s’en faut). A. avait déjà manifesté l’envie de participer à un atelier à la fin de l’été dernier, mais s’était ravisée parce que le moment n’était sans doute pas opportun pour elle. Un nouveau rendez-vous a été calé début janvier, et j’ai eu beaucoup de plaisir à lui faire découvrir l’esprit Papilles Créatives, et notamment le cadre dans lequel ces ateliers se déroulent : celui de l’art-thérapie. Pour mémoire, le résultat importe peu en art-thérapie, ce qui compte c’est le processus de créativité et ce qu’il permet d’explorer et de mettre à jour. Après quelques activités de mise en jambes, j’invite donc A. à se connecter à ses sensations et à jouer le jeu des associations intuitives et guidées par le plaisir de faire, bref à faire différemment en cuisine.
Première création, et première surprise pour A. qui ne se dit pas, pour une fois, qu’elle aurait pu faire mieux. A la différence d’un tableau où elle projette toujours une intention et est une éternelle insatisfaite, la créativité en cuisine, le fait de sortir du cadre et de troquer ses pinceaux contre des aliments, lui a permis de se libérer de son auto-jugement et de sa tendance à l’auto-dévalorisation permanente. Écoutons-la :
« Oublié le goût. Focus on my imagination. Voyage pas planifié. Partie sans contrainte. Affranchie des frontières. Changement de perspectives : j’ai utilisé la nourriture comme outil de création. Plus comme moyen de destruction. Libération. Proud of me. Exigences abolies. Personne n’attendait rien de moi. JE n’espérais rien. Alors je ne peux qu’être satisfaite du résultat. »
Pour la deuxième activité, A. joue le jeu d’explorer une émotion ou un sujet qui lui tient à cœur. Elle utilise une assiette en ardoise noire, en référence à son histoire, y dessine des barreaux de prison blancs et veut ajouter à ce fond sombre de la couleur et de la légèreté, comme pour transfigurer son passé. Intriguée par l’utilisation de la noix de coco pour les barreaux de la prison, je l’invite à préciser son intention (elle voulait « quelque chose de friable, pas mastoc ») et lui propose de souffler dessus. Séquence émotion pendant ce temps suspendu où les copeaux de noix de coco s’envolent avec légèreté sous l’effet de sa respiration. Elle nommera d’ailleurs sa création « souffle de victoire ». Là encore, rien ne vaut d’écouter son témoignage, l’interprétation qu’elle nous livre de son œuvre, comme un fil de lecture et une clé précieuse pour découvrir son univers :
« Et si l’on se délestait enfin du poids du passé ? C’est ce que j’ai voulu « dire » avec cette création. Une assiette sombre. Dure. Froide. Comme les épreuves que j’ai traversées. Et pourtant. On peut l’illuminer. L’assouplir. L’attendrir. Le réchauffer. Avec de la lumière. Des couleurs. De la douceur. Un trèfle de sucre. Une touche de miel. Des ailes de papillon en peau de raisin. Et les barrières mentales ? Les barreaux en fer de la prison ? De la poudre de coco bien sûr ! Moi, je souffle dessus et je m’évade enfin ! Souffle d’espoir. Souffle de victoire. »
Cet instant magique quand émerge le sens
Ce qui est intéressant avec le témoignage de A., c’est que cette expérience est la preuve que tout ne passe pas par le conscient ou le mental. On peut construire et élaborer une œuvre, verbaliser ce qu’on a voulu en dire, il est toujours possible que quelque chose échappe et surgisse pendant ou après le processus créatif. Cet instant magique, qu’on appelle la symbolisation, c’est le moment où le sens prend forme et émerge, presque à son insu, c’est quand est représenté ce qui était invisible et caché. Cela arrive quand on est ouvert et réceptif à sa création, quand on prend le temps de jouer avec (au sens d’inviter le jeu dans la création), de la regarder au besoin sous différents angles (comme cette résidente en maison de retraite qui réalise en tournant simplement son plat que son personnage est rieur dans un sens, et maussade voire inquiétant dans l’autre), d’écouter son message avec humilité et patience et de le laisser s’ancrer progressivement.
Je suis toujours abasourdie de ce qu’il peut advenir avec quelques ingrédients, de la puissance du médiateur cuisine et cela me conforte dans le choix de l’appellation « cuisine thérapie ». Cette appellation ne me semble pas usurpée, il s’agit bien d’une cuisine qui fait du bien, qui permet d’aller mieux. Le terme magique est évidemment exagéré mais il se passe quelque chose qui nous dépasse, la personne accompagnée comme l’art-thérapeute d’ailleurs (rappelez-vous que l’art-thérapeute ne sait pas pour l’autre, il n’est que le témoin de ce que vit la personne aidée), quelque chose qui n’est pas programmé d’avance. Quelque chose qui était là, et n’attendait que le bon moment pour émerger.
La cuisine-thérapie pour qui et pour quoi ?
Certaines problématiques sont évidemment beaucoup trop complexes pour être « traitées » seulement avec l’art-thérapie…. mais je suis intimement convaincue que cette pratique est utile et bénéfique en complément d’un accompagnement plus classique. Elle permet des déclics, des prises de conscience en douceur et une verbalisation, qui ne passe pas forcément par les mots. Thérapie du détour, l’art-thérapie s’ancre dans l’ici et maintenant, dans le comment et ne propose ni interprétation, ni recherche de sens, ni investigation dans le passé, comme le ferait la psychothérapie par exemple.
Les ateliers Papilles Créatives sont possibles en séance individuelle quand il s’agit d’explorer une problématique personnelle comme s’apaiser dans des troubles du comportement alimentaire, pacifier sa relation à la cuisine, se réconcilier avec son image, retrouver confiance en soi…. Voici le témoignage de L. venue pour 3 séances individuelles :
« Je suis un peu plus cool avec moi-même après les séances individuelles Papilles Créatives. Ces ateliers m’ont permis de progresser dans mon rapport à la nourriture et de me sentir plus sereine. J’ai aujourd’hui dans mon placard du chocolat, du miel, des biscuits, bref plein de trucs interdits avant. Ces aliments sont juste là à attendre mes envies, et je prends alors soin de les déguster. J’ai aussi découvert le plaisir d’être créative en cuisine. Les activités proposées (notamment celle sur le modelage du corps avec de la pâte) m’ont permis de me confronter en douceur et symboliquement à mes blocages et de changer l’image que j’ai de moi ».
Parce que ce qu’il se passe dans une séance d’art-thérapie préfigure ce qu’il peut se passer dans le réel, expérimenter et dépasser une souffrance avec la cuisine est un bon (et savoureux) moyen de trouver des pistes de solutions, d’incorporer de nouvelles façons de faire ou d’être. Alors si le cœur vous en dit, n’hésitez pas à me contacter pour en savoir plus.
Et le mot de la fin revient naturellement à A. que je remercie une nouvelle fois d’avoir joué le jeu et de s’être livrée avec autant d’authenticité :
« Étrange impression d’avoir le droit d’appréhender la cuisine, la nourriture, les aliments avec bienveillance. Envie de me respecter en cuisinant. Désir d’explorer toutes les possibilités qu’il m’était impossible d’essayer avant de m’être libérée de cette prison dans laquelle j’étais enfermée. »
Praticien Cuisine Thérapie :
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