Une infirmière est-elle une aidante ?

par | Mieux se connaître | 14 commentaires

S’il est un métier inspirant par excellence, c’est celui d’infirmier-ère (enfin infirmière, mais également aide-soignante et plus globalement tous les métiers autour du soin). Quelle belle vocation que d’œuvrer à la santé des autres et de « dispenser des soins de nature préventive, curative ou palliative pour promouvoir, maintenir et restaurer la santé des patients » (si l’on en croit la définition qu’en fait l’Onisep).

Une bonne raison de se lever le matin, non ?!

Or, et c’est peu de le dire, ce métier est en crise depuis de (trop) nombreuses années…

Les causes de ce désamour ?

Essentiellement un manque cruel de moyens et un métier qui s’éloigne de plus en plus de la vocation initiale et des valeurs associées à cette activité de soin (avec notamment des attentes en termes de rentabilité qui ne permettent plus de prendre le temps de la relation d’aide).

Ou du moins, c’est ce que je croyais.

Et puis, en échangeant avec des infirmières de la famille Cuisine Thérapie© (elles sont quelques-unes à avoir fait le choix de donner une nouvelle dimension à leur métier en rejoignant la communauté Cuisine Thérapie©), j’ai entre-aperçu d’autres causes.

Charge de travail, manque de personnel et de reconnaissance

Voici ce qu’en dit Gaëlle, infirmière depuis presque 20 ans.

« Je me questionne souvent sur les raisons de l’interruption précoce de leur carrière par les infirmières. C’est indiscutablement lié à la charge de travail, au manque de personnel, de reconnaissance.

Mais je pense que la relation entre l’aidant et l’aidé peut également être compliquée, par manque de compétences en matière de gestion des situations difficiles.

À l’école d’infirmières, j’ai appris une posture de soignant (un savoir-faire essentiellement), mais il ne me semble pas avoir appris ce qu’étaient réellement l’écoute et la reformulation, des savoir-être pourtant indispensables au métier d’aidant ».

Sans compter que « en tant que soignant, nous encaissons beaucoup de choses, en fonction des situations, et je n’ai pour ma part jamais rencontré de moments dédiés à la supervision, au débriefing de situations difficiles voire traumatiques ».

Isolement, manque de préparation au métier d’aidant…

C’est ce que semblent rapporter beaucoup d’infirmières : elles ont la sensation d’être des techniciennes du soin, attendues sur des résultats tangibles et quantifiables, mais ne sentent pas légitimes dans le métier de la relation d’aide, voire se sentent carrément démunies face à certaines souffrances.

A tel point que beaucoup d’infirmières qui rejoignent la formation ne considèrent même pas qu’elles sont DEJA dans la relation d’aide, un comble !

Et pourtant, si l’on en revient à la définition de ce métier selon l’OMS, à savoir le fait « d’aider les individus, les familles et les groupes à déterminer et réaliser leur plein potentiel physique, mental et social », cela parait incroyable d’être censé(e) aider mais sans être formé(e) à la relation d’aide !

Apprendre a écouter, pour mieux aider

Un paradoxe qui a permis à Gaëlle de comprendre les limites dans l’exercice de son métier d’infirmière.

« C’est fatiguant de devoir savoir pour l’autre ! C’est souvent une attente du soigné, qui a besoin de guérir ou d’aller mieux grâce à la main de l’autre, et espère conseils, recommandations, voire prescriptions.

J’ai appris dans la formation Cuisine Thérapie© que l’on ne sait pas pour l’autre et qu’offrir une écoute véritable, sans chercher à lui donner des réponses, est souvent un cadeau inestimable.

Cela m’a permis de prendre du recul par rapport à mon métier d’infirmière et d’éviter de me retrouver dans une situation de maternage, parfois oppressante, et de rendre à l’autre son autonomie dans son processus de guérison. »

Je suis curieuse de savoir ce que vous pensez de tout cela…. N’hésitez pas à me le partager dans les commentaires, les aides-soignantes et infirmières de la Cuisine Thérapie© et moi nous ferons un plaisir de vous lire et de vous répondre.

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Praticien Cuisine Thérapie :

10 questions pour savoir si ce métier est fait pour moi

14 Commentaires

  1. Françoise LUBON

    Bonjour Emmanuelle,

    Entièrement d’accord avec vous !!!!
    En tant qu’auxiliaire de vie je me suis sentie mieux formée à la relation d’aide, en tout cas au respect des possibilités de l’autre personne et de ses manques….

    Au sein de ma formation une psychologue nous a dit :  » dans ce métier il est important de savoir qu’on ne sait pas pour l’autre »…
    Aujourd’hui encore je la remercie, cette réflexion m’a guidée dans mon métier vers le non jugement ( c’est difficile de ne pas tomber dedans ). Il faut prendre du recul et travailler sur soi….

    Avec ce métier, nous sommes au cœur de tous les fonctionnements familiaux. Donc aussi respect quel que soient leurs choix ( dont les motivations peuvent être financières, mais aussi très profondes psychologiquement , du point de vue de leur histoire familiale et je dirai même inter- générationelle….

    J ‘ ai toujours travaillé en relation avec les infirmières, elles n’ont pas
    Le même regard que moi sur les familles parce qu’elles passent peu de temps auprès d’elles et qu’elles sont dans le jugement. C’est dommage !!!

    Voilà Emmanuelle, je vous suis depuis le printemps, j’ai assisté à vos journées portes ouvertes et j’ai fais l’atelier cuisine thérapie en ligne….j’ai été bluffée par le résultat !!!!

    Je n’ai pas postulé car je suis à Pôle Emploi depuis peu et que votre formation n’est pas encore éligible au CPF….dommage !!!! Car ce que vous entreprenez fait pétiller mon cœur ❤

    Françoise Lubon.

    Réponse
    • Cuisine Thérapie

      Bonjour Françoise, merci pour votre partage !
      Je ne sais pas pour l’autre, un mantra qu’on se répète souvent en Cuisine Thérapie !
      Et oui, la relation d’aide n’est pas qu’une question de posture ou de formation, c’est aussi une question de temps et d’intention.
      Au plaisir de vous accueillir bientôt dans la formation alors ?
      Emmanuelle

      Réponse
  2. Fany

    Lors de mes études à l’IFSI, on a survolé la relation d’aide ( à mon avis, à moins qu’à cette époque je n’étais pas à l’écoute comme maintenant et que c’était moi qui avais survolé le cours…
    Au début de mes etudes , j’étais beaucoup dans le faire, des soins techniques, la réa , les urgences. Puis avec l’expérience ce n’est plus devenue ma priorité.
    Puis je suis devenue maman, donc ma vision des choses a beaucoup changé aussi.
    Un.e infirmièr.e est 1 aidant , mais il n’est pas épaulé.
    Lors d’1 évaluation avec la cadre, on parlait de mes heures sup. ( que je n’ai jamais récupérées car pour elle ce n’était pas fondé)
    J’avais des réfections de pansements à faire en médecine, donc pour elle ça valait 10 minutes pour ce type de pansement, il n’y avait pas de raison pour finir plus tard, mais c’était de ma faute, j’étais mal organisée pour elle . Furieuse je lui avais demandé, à combien elle estimait le temps pour soutenir une famille qui vient d’apprendre que son parent ne pourra plus revenir chez lui??
    La prise en charge holistique est mise de côté. Non pas que les IDE ne veulent pas, mais c’est moins bien reconnu. Plusieurs en sont malades de ne pas avoir le temps de soutenir , discuter, éduquer les patients. Malheureusement la tarification à l’acte est rentrée dans l’hôpital. L’hôpital reçoit des sous quand des actes sont faits : pour un pansement il y a des produits pharmaceutiques, un savoir faire technique ça rapporte. Alors qu’1 temps d’écoute, d’aide… comment le quantifier et le mettre dans la grille de cotation ? Ça ne se voit pas.
    C’est difficile pour les soignants.

    Réponse
    • Cuisine Thérapie

      Merci pour votre partage Fany, c’est tellement juste…. L’importance de la relation d’aide échappe à toute quantification, ses bienfaits sont difficiles à objectiver alors que, comme vous, je suis convaincue que l’écoute, un regard bienveillant et une main posée sur un bras soignent tellement ! Comme souvent, le temps est un facteur clé pour que les choses soient bien faites ! J’imagine combien cela doit être difficile de faire ce métier dans les conditions d’aujourd’hui…. Bon courage à vous dans votre rôle de soignante !

      Réponse
  3. Jacque

    Merci pour ce témoignage qui est très éclairant sur le métier d’accompagnant. Une écoute attentive avec empathie, redonner à l’autre les outils de sa propre guérison, impulser et non pas imposer tout cela me parle beaucoup. Ces outils sont la base d’un accompagnement de qualité. C’est ce qu’a l’air de proposer cuisine Thérapie j’ai hâte de commencer cette formation car ne venant pas de ce secteur je ne me sens pas encore légitime et j’espère acquérir cette légitimité au sein de cette nouvelle famille!

    Réponse
    • Cuisine Thérapie

      Rassure-toi Marie, on t’aidera à te sentir légitime en tant que Praticienne Cuisine Thérapie, car comme tu le sais, la posture d’aidant s’apprend et se travaille / s’approfondit avec la pratique ! Contente que tu aies embarqué avec nous !!

      Réponse
  4. Thierry Subra

    Emmanuelle bonjour,
    Savez-vous qu’il y a 8 millions de personnes dites aidantes en France ? On parle de qui ?
    Les aidants proche, ceux qui vont aider un membre de leur famille, une maman ayant un enfant autiste, un conjoint accompagnant son époux ou épouse dans la maladie, une petite fille allant rejoindre sa grand mère en EPHAD.
    Et nous avons les aidants du cadre professionnel d’intervention qui sont formés dans le métier de l’accompagnement.
    Pour répondre à votre question Emmanuelle, oui les infirmiers-ères et les aides soignant sont pour moi des Aidants, plus qu’un métier, une Vocation.
    Mais dans notre société actuelle et malgré leur formation, elles ne sont pas et ne se sentent pas comme t’elle dû aux différents paramètres que vous mettez en avant (manque de moyen , la rentabilité des actionnaires, le manque de reconnaissance verbale et financier, la charge importante de travail dû aussi par le manque de personnel.
    Ce que j’en retire c’est que les formations ne sont plus adaptées à la réalité du terrain, le manque de formation gestion de conflits, l’encadrement et la bulle des émotions sont inexistantes comme l’explique Gaëlle ..
    L’isolement est le pire des scénarios, car elles doivent au contraire être encadrées et accompagnées.
    L’écoule est certainement l’une des clefs.
    Si votre formation aide les aidants alors bravo et merci pour eux et pour nous tous.

    Réponse
    • Cuisine Thérapie

      Merci pour votre partage Thierry, entièrement en phase avec vous…. les aidants ont besoin d’être formés, préparés et supervisés dans l’exercice de leur métier. Au-delà des gestes techniques d’une infirmière ou des conseils nutritionnels d’une diététicienne, il y a un vrai accompagnement et toute une posture à acquérir…. et de ce que j’en vois au sein de la formation CT, ce n’est pas prévu dans la formation initiale et beaucoup d’entre elles se sentent réellement démunies face à la détresse psychologique !

      Réponse
  5. Lydie

    Bonjour!

    Je suis infirmière depuis bientôt 20 ans dont presque autant d’années dans le domaine de la psychiatrie.
    Cette spécificité du soin est riche , on y rencontre des personnes, des humains que la maladie psychique fragilise, éloigne même de la société. Etre aidant dans ma profession , c’est justement les aider à (re)prendre place dans la société, les aider à regagner en confiance, en estime d’eux-même, les aider à vivre au quotidien de façon satisfaisante, les aider à restaurer, acquérir une autonomie. C’est ce qu’on appelle la réhabilitation psycho-sociale. Et tout cela ne peut se faire qu’avec la motivation et les ressources propres de chaque patient. Mes mots sont jolis et idéaux…La réalité est toute autre! La pandémie du Covid n’a fait que mettre en exergue un problème réel qui touchait déjà depuis plusieurs années l’ensemble des professions paramédicales et médico-sociales. Depuis une décennie, j’ai le sentiment qu’ être aidant perd de son sens, il n’y a plus de reconnaissance de l’essence même de notre métier. Aider c’est écouter, être disponible, communiquer, soutenir l’autre dans sa défaillance, etc…Et tout cela demande du TEMPS que nous n’avons plus!! Les contraintes institutionnelles nous amènent à devenir de simples exécutants, de simples matricules, d’être dans une logique comptable. Et pourtant certains de nous tentent de faire de la résistance mais en vain ( j’en fais parti!): c’est épuisant…Voilà pourquoi, je prépare ma sortie de cette profession qui malgré tout me laisse encore une aptitude, une envie indéfectible : AIDER.
    Mon objectif : être diplômée comme praticienne en cuisine thérapie pour la fin de l’année!

    Réponse
    • Cuisine Thérapie

      Merci pour ton partage Lydie, c’est clair que le facteur TEMPS est indispensable dans la relation d’aide…. c’est ce qui permet d’être vraiment présent à l’autre, d’accueillir ses ressentis inconditionnellement et de lui permettre de se sentir entendu(e). Alors oui, j’imagine combien exercer ton métier doit être difficile aujourd’hui…. et je suis sûre que tes qualités d’accompagnante trouveront une nouvelle façon de s’exprimer avec la Cuisine Thérapie 🙂 Merci encore de ta confiance !

      Réponse
  6. moulin

    bonjour,
    En tant que médecin gériatre en milieu hospitalier et en EHPAD, j’ai pu constater la souffrance des soignants. Ils éprouvent pour beaucoup un sentiment de frustration, l’impression d’un travail bâclé, inachevé. Ils ont énormément à apporter mais pas assez de temps. Ca peut jouer sur leur relation avec les patients et leur famille (agacement, impatience tout à fait compréhensible côté patient, famille et aussi côté soignants). Ils sont en première ligne dans le quotidien du patient et des aidants. Ils ont un rôle de soins au sens strict mais aussi (et ça a au moins autant d’importance), un rôle d’éducation, d’écoute, de soutien, de conseils et d’accompagnement, choses qui ne sont pas côtées et donc qui ne rapportent rien à l’hôpital ou aux EHPAD (budget soins). Les exemples qui me choquent sont par exemple que plus une personne est dépendante plus elle « rapporte » (forfait dépendance établi avec la grille AGGIR), le budget alimentation est serré , les patients ou résidents mangent difficilement d’où une dénutrition qui va s’avérer avoir un impact sur l’état de santé et donc sur les coûts de prise en charge (plus de pansements, plus de soins, prescription de compléments alimentaires…), le soutien psychologique via l’écoute et les échanges n’est pas reconnu alors qu’il me semble essentiel. Bref, la prise en charge ne considère pas la personne dans sa globalité mais vise plus à traiter les problèmes séparément sans considérer d’autres approches. Pour caricaturer (à peine!), on va soigner une fracture et la personne pourra sortir une fois un peu réautonomisée mais sans avoir pris en compte les risques de dénutrition car la personne ne peut plus cuisiner, faire les courses; la démotivation (personne seule, entourage peu présent ou simplement pas ou mal informé, aiguillé, soutenu… C’est un constat désolant mais néanmoins réel

    Réponse
    • Cuisine Thérapie

      Merci pour votre partage 🙂
      Je mesure encore mieux les difficultés auxquelles vous êtes confronté(e?) en tant que médecin. C’est tout le système qu’il faudrait repenser pour avoir effectivement cette vision holistique de la santé et doter les soignants des outils ad hoc (y compris – voire surtout – en matière d’accompagnement….). Je comprends votre désolation !

      Réponse
  7. amine

    Merci beaucoup , c’est très intéressant.

    Réponse

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