On continue les témoignages clients avec M. venue pour un 3ème atelier Papilles Créatives, qui a accepté de nous parler du plat qu’elle a réalisé.
Histoire d’amour
« Il s’agissait d’exprimer une émotion ou une sensation avec des prunes, et l’idée m’est venue de façon fulgurante. J’ai ressenti une émotion très forte lors de la phase créative, je ne pensais pas que je pouvais vivre cela lors d’un 3ème atelier d’ailleurs. Sans doute parce que j’étais moins dans le contrôle. A vrai dire, je me suis sentie presque débordée par mon émotion, et si la journaliste (qui m’interviewait et me filmait à ce moment précis) n’avait pas été là, j’aurais sûrement fondu en larmes…
Mon plat s’appelle « Histoire d’amour ». C’est l’histoire de deux moitiés de prunes (une reine-claude et une quetsche) qui se rencontrent. Elles sont différentes, elles ont des goûts opposés (sucrée avec du miel pour l’une, salée et vinaigrée pour l’autre), elles viennent chacune avec leurs particularités. C’est l’histoire de la rencontre, de la fusion, elles se cherchent puis ne font qu’un, et construisent quelque chose à deux. La mirabelle à l’autre bout, c’est le symbole de l’enfant qui naît de leur union.
A un moment, je me suis agacée parce que j’avais du mal à assembler les pièces, à faire tenir les prunes entre elles dans la partie du milieu, à les agencer et à les mélanger. Et en même temps, cela m’a renvoyée aux ajustements qu’il faut faire dans un couple, au travail qui est nécessaire pour faire tenir l’ensemble, aux compromis qu’on doit forcément mettre en œuvre. Et c’est ça qui a été très émouvant, cette prise de conscience. »
Et symbolisation
Comme dans le témoignage d’A, ce qui est à l’œuvre grâce à la cuisine, c’est un processus de symbolisation, c’est-à-dire la capacité à représenter ce qui était invisible et caché. Le symbole surgit de façon inattendue, et nous échappe. Il ne s’agit pas d’une construction mentale, de quelque chose de conscient. Dans le cas de M., elle se saisit d’une émotion qui la traverse (et lui appartient) pour élaborer au départ cette histoire de couple et la construire pièce après pièce, en réfléchissant au sens qu’elle souhaite exprimer via sa création (deux demies prunes qui se rencontrent et cheminent ensemble, etc). Mais c’est au moment où elle s’agace, au moment où une émotion arrive qu’un sens nouveau et non prémédité par le mental émerge. Cela fait sens, au sens strict et dynamique du terme. Le sens émerge en devenant visible. Ici, l’analogie avec les efforts nécessaires pour faire tenir un couple lui saute aux yeux, et permet à M. de prendre conscience que « souvent il faut s’y reprendre à plusieurs fois, ça ne tient pas tout de suite ».
Plusieurs choses importantes quant à ce processus de symbolisation.
1/ Le symbole fait sens pour soi
Bien sûr il peut exister des symboles universels mais ce qui compte, c’est comment ça fait tilt pour la personne qui le vit, ce qu’elle en dit et comment elle se le représente. Inutile donc de chercher à plaquer du sens, seule compte la mise en représentation par le participant lui-même. L’Autre (qu’il soit animateur ou art thérapeute) n’est pas là pour interpréter !
2/ Il n’y a émergence du symbole que lorsqu’on est pleinement soi
Le processus de symbolisation est possible à partir du moment où l’on est dans sa bulle, dans cet espace intermédiaire entre jeu et réalité et où l’on s’est autorisé à lâcher son mental et à explorer sa créativité (ce que Winnicott nomme « l’espace transitionnel »).
3/ Importance de l’affectif
Ce processus de symbolisation intervient lorsque quelque chose nous touche, lorsqu’on est dans le domaine de l’affectif. La principale condition à ce qu’un symbole émerge n’est pas intellectuelle mais affective. Il est pour cela nécessaire que le participant soit corporellement, sensoriellement et/ou émotionnellement impliqué avec ce qu’il fait pour qu’une image ou une analogie émerge, pour qu’une association d’idées se fasse.
4/ Importance d’un cadre qui va permettre le lâcher prise en toute sécurité
Ce processus n’est possible sans danger qu’au sein d’une activité encadrée par un praticien formé à la relation d’aide et l’art thérapie qui instaure et préserve un cadre de bienveillance, un esprit de découverte personnelle, une écoute de soi et de l’autre dans le respect et le non-jugement.
Ajoutons enfin, et c’est là la fonction principale du symbole en cuisine ou en art thérapie plus généralement, que le fait de symboliser une chose permet d’en prendre conscience, de se l’approprier et de poursuivre son processus d’évolution intérieure. C’est parce qu’un symbole émerge tout à coup que le sens initial s’élargit, que mon élaboration s’enrichit et que je peux voir les choses différemment, et peut-être les transformer. Une fois qu’a émergé la prise de conscience (« finalement c’est comme pour un couple dans la vraie vie »), on peut prendre de la distance et trouver les clés pour évoluer.
L’atelier a donc donné lieu à un moment authentique et émouvant pour M., un moment déroutant aussi car elle a été elle-même surprise de « vivre quelque chose d’aussi fort dans une 3ème session Papilles Créatives ». La cuisine, dans l’esprit où elle est abordée dans ces ateliers, permet indéniablement de se dire et de mieux se comprendre, et mérite pleinement son appellation de cuisine thérapie.
Praticien Cuisine Thérapie :
10 questions pour savoir si ce métier est fait pour moi
0 Comments