Petite confidence
Il s’est passé quelque chose d’étrange il y a quelques jours: pour la 1ère fois de ma vie, j’ai ouvert une bouteille de vin juste pour moi. L’envie de fêter dignement la finalisation de mon mémoire d’art-thérapie m’a motivée à sortir le tire-bouchon, même s’il n’y avait pas d’autre convive à l’horizon que moi ce soir-là.
Je vous rassure, je n’ai aucun souci à m’autoriser des plaisirs alimentaires d’habitude. D’ailleurs, quand je le fais, j’ai à cœur de soigner la présentation et la mise en scène, de sortir une belle assiette, de prendre le temps de déguster et de savourer tant ces rituels sont importants pour moi. Je crois que je sais me faire plaisir avec la nourriture, sans culpabilité et sans excès. Evidemment, cela m’arrive de m’octroyer un verre de vin toute seule quand la bouteille est entamée, je ne laisse pas les vestiges d’une soirée entre amis tourner au vinaigre. Cela peut même m’arriver de prendre un verre au resto, même lorsque je ne suis pas accompagnée. Bon, plus rarement quand même, je me souviens d’ailleurs de la 1ère fois distinctement : c’était en Nouvelle Zélande en 2012 alors que je découvrais à vélo les vignobles réputés de l’île du sud, je me suis offert une planche de fromages locaux et, après avoir un peu hésité, un verre de vin rouge. Et en me délectant, j’avais cette impression mélangée d’avoir fait preuve de transgression et de maturité. Comme quoi, ouvrir une bouteille de vin « juste pour moi » (je vous rassure, je n’ai bu qu’un verre !) devait sans doute être le dernier bastion à faire tomber ?
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Bon, ça vient d’où cette résistance ?
Après coup, intérêts pour l’introspection et la cuisine thérapie obligent, je me suis interrogée sur pourquoi c’était une telle victoire pour moi alors que certains font ça naturellement ? L’après-midi même, alors que j’attendais une amie dans un café, une jeune femme a commandé sa salade avec son pichet de vin sans aucun complexe à 16H. Comme un encouragement tacite à me faire plaisir moi aussi ! Alors pourquoi m’a-t-il fallu le prétexte du mémoire, de ce « quelque chose à fêter », pour oser me lancer ? Derrière cette hésitation, il y a (avait ?) une croyance profonde, le vin, c’est fait pour être partagé : ouvrir la bouteille, entendre le « plop » du bouchon, trinquer, humer, goûter ensemble (d’où mon scepticisme sur la sommelière électronique), c’est presqu’un moment de communion et de recueillement ! Parce que dans mon modèle du monde, boire est un acte social et festif, une affaire collective, c’est triste de boire dans son coin. Et c’est donc difficile d’ouvrir une bouteille seule.
J’’imagine qu’il doit sans doute y avoir plusieurs raisons. Me concernant en tout cas, elles ne sont à chercher :
- ni du côté de la peur de la dépendance : que ce soit pour l’alcool ou la nourriture, je sais que je suis modérée (raisonnable ?) et ne crains pas le dérapage,
- ni du côté lugubre, la peur ou la honte de s’adonner à quelque chose de glauque,
- ni du côté du « qu’en dira-t-on ? » puisque j’étais seule chez moi et sans témoin
- et pas non plus du côté « est-ce que je le mérite ? » puisque, excuse du mémoire aidant, j’avais déjà décidé que je le méritais !
Non, c’était vraiment une histoire de moi avec moi : est-ce que je me permets d’ouvrir une bouteille juste pour moi, et surtout est-ce que ce ne serait pas mieux d’attendre pour la partager avec d’autres ?
Et soudain, la révélation !
Chose que je n’avais jamais faite donc, mais j’ai une confession à vous faire, je ne l’avais même jamais envisagée jusque-là ! Savourer un verre de vin pour moi, peu importe d’être accompagnée. Privilégier le partage du moment, plutôt que le fait de ressentir la même chose que l’autre. Difficile a priori pour moi, à tel point que j’ai (encore) du mal à comprendre comment font les couples où seul l’un des deux apprécie le vin. Comme si un plaisir devait nécessairement être partagé pour avoir de la valeur…. voire pire comme si on ne pouvait s’octroyer un plaisir que si l’autre communiait avec nous dans le partage ? Vaste question ! Tant qu’elle n’est pas résolue, c’est compliqué d’en finir avec les difficultés de choisir pour soi au resto (versus prendre la même chose que l’autre) comme je l’évoquais dans un article récent.
Mais samedi soir, parce que j’en avais envie et parce que j’avais à ma disposition des aliments de qualité (des fromages et du pain abricot noisettes au top, le tout posés sur des jolies ardoises), j’ai décidé de m’écouter. De lâcher avec mes croyances et d’accepter que je n’ai pas besoin d’autorisation, de justification, de bénédiction ou de prétexte pour me faire plaisir ! Et cerise sur le gâteau, non seulement ce verre de vin était gai et festif, mais en plus il m’offre des kifs récurrents et du plaisir en réserve pour le reste de la semaine ! A partager… ou pas !
La cuisine a décidément bien des choses à nous dire et je suis curieuse de savoir si cela fait écho à quelque chose chez vous. Vous aussi, il y a des choses que vous ne vous autorisez pas dans ce domaine ? A quelles croyances cela est-il rattaché ? Avez-vous déjà essayé de faire différemment ? N’hésitez pas à le partager dans les commentaires.
Praticien Cuisine Thérapie :
10 questions pour savoir si ce métier est fait pour moi
Nous on arrive pas à sauter le pas pour faire une raclette que tous les deux !!
Ah bon ? Pourtant, 2 pour une raclette, c’est le nombre idéal : plein de poêlons qui chauffent en même temps ! Moi j’ai déjà fait « fondue pour 2 », top pas besoin de batailler avec les piques ! Allez hop, on se motive !
Salut Manue,
J’ai un Maître de Chai Franco Californien qui arrive ce weekend, alors je te promets que nous ouvrirons de bonnes bouteilles en degustant du filet de cervidé et quelques bons fromages sur des tranches de sourdough de chez Volare.
Super contente pour toi, tu m’envoies une photo de votre festin j’espère ?! Bonne dégustation en tout cas 🙂
Félicitations pour ton mémoire et de ce temps que tu as « goûté » juste pour toi !
Merci Patricia, c’est gentil comme tout…. Une sacrée étape de franchie avec cette bouteille innocente !
Alors moi, je me fais des raclettes toute seule avec un verre de vin .Partager de bons moments culinaires avec soi même , ça résume ton article ! Merci Emmanuelle .
Alors là bravo, je suis épatée !!! S’autoriser ce genre de plaisir toute seule, a fortiori quand on est charge de famille, c’est top ! C’est la preuve que tu réussis vraiment à t’octroyer des moments pour toi, top et indispensable j’imagine ! Bises
Et bien tu as bien de sauter le pas .. J’ai hésité à le faire de mon côté après le décès de Pierre … Mais j’aime trop le plaisir qui s’associe à l’accord des mets et des vins ! Alors il m’arrive très souvent de partager ce genre de plaisir en tête à tête avec mon assiette et ma bouteille et cela me fait un bien fou même si cela ne remplace pas le partage d’un bon repas arrosé avec des amis … Et félicitation pour ton mémoire
Bisous de Flagrants Délices et clin d’œil à l’atelier des chefs …
Bravo Blandine pour ces savoureux moments que tu t’octroies en « tête-à-tête » avec toi (quelle jolie façon de le dire en plus !). Pas tellement étonnée quand je me remémore ta gourmandise et ton art de vivre !! Merci pour ton mot qui me touche beaucoup et au plaisir de te recroiser lors d’un de tes prochains passages sur Paris ? Gros bisous
Merci pour ce bel article! Je vais le recommander à des patientes qui, souvent après des ruptures affectives, n’ont plus envie de se faire à manger, ni envie de se chouchouter. Pour les aider dans leur quête à retrouver le plaisir et l’estime de soi.
Merci Anne pour ce retour et votre recommandation 🙂 Prendre soin de soi, c’est possible aussi avec la cuisine… et ça fait un bien fou !