Et oui, aussi bizarre que cela puisse paraître, la cuisine n’est pas qu’une activité créative et sensorielle qui consiste à assembler des ingrédients avec ou sans recette (ce qui est en soi déjà source de bien-être, cuisine thérapie oblige !). Se mettre aux fourneaux permet également d’explorer ses compétences relationnelles, rien que ça ! Arrêtons-nous quelques instants sur le carré magique, ces fameux 4 verbes qu’il faut savoir conjuguer pour évoluer dans des relations harmonieuses et équilibrées.
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Donner
La cuisine est (en principe du moins) un acte généreux et désintéressé, qui consiste à préparer des ingrédients en vue de nourrir l’autre. Lorsqu’on cuisine, on donne évidemment de son temps et de son attention, on ne ménage souvent pas ses efforts et son savoir-faire pour faire plaisir à l’autre. L’enjeu (et la beauté de la cuisine) est précisément :
– d’offrir sans arrière-pensée, de donner sans compter et sans attente de retour, sans rendre, même inconsciemment, l’autre redevable ;
– de donner sans regret : certaines personnes se désolent de la vitesse à laquelle les plats disparaissent une fois posés sur la table, quand ils ont nécessité de longues heures de préparation… alors qu’il est bien plus satisfaisant de se réjouir de ce qui est (et a été) ;
– de donner sans contrainte, sans se sentir obligé de le faire pour « rendre une invitation » ou quelque chose qu’on a reçu par exemple ;
– de donner sans avoir la sensation de se sacrifier (en faisant pas exemple des plats qui vont plaire aux convives mais que l’on aime soi-même pas plus que ça) et de s’oublier en route ;
– de donner sans imposer (en ne prenant en compte que son goût personnel par exemple ou en donnant ce que l’on voudrait soi-même recevoir) et sans marchander (donner en échange de quelque chose d’autre) ;
– de donner sans objectif d’épater, d’en mettre plein la vue et de complexer l’autre
– de donner quand on ne sait pas trouver les mots : cuisiner est un langage qui révèle notre volonté de prendre soin de l’autre, d’approfondir une relation, de soulager ou réconforter l’autre…..
Et cuisiner, c’est bien entendu aussi donner de soi. Préparer un plat, c’est se révéler et se donner à voir, c’est d’une certaine manière parler de son identité et de ses valeurs. C’est accepter aussi de prendre un risque et de se montrer vulnérable si notre convive n’apprécie pas notre cuisine.
Recevoir
En cuisine comme dans tout autre domaine de notre vie, il nous faut aussi savoir recevoir. Et ceci est vrai pour le cuisinier comme pour le convive, puisque le même mot (l’hôte) signifie celui qui donne (et accueille chez lui) et celui qui reçoit (l’invité). Du côté du convive, il s’agit bien sûr :
– de manifester de la reconnaissance, soit en remerciant, soit en félicitant pour le goût, l’originalité des plats, l’attention portée à la décoration, le travail que cela a nécessité (réfléchissez, quelle que soit la qualité du résultat final, il y a toujours quelque chose à complimenter). Sans en faire trop, il est en effet important d’accuser réception des efforts de l’autre, de ne pas les tenir pour acquis ou naturels ;
– d’accueillir et d’apprécier pleinement ce qu’il lui est offert sans culpabilité, sans sentiment de gêne ou d’inconfort et sans se sentir redevable : pour certaines personnes, il est parfois difficile de recevoir et d’être dans la posture de l’invité, de se faire nourrir ou servir par l’autre. Cela nécessite de lâcher prise avec son envie de tout faire (et de tout contrôler ?), d’accepter que l’autre puisse avoir envie de nous faire plaisir et ne pas lui gâcher ce plaisir en s’activant plus que nécessaire (attention, je ne suis pas en train de prêcher pour le fait de ne pas se lever quand on est invité chez quelqu’un, au contraire, les temps d’aide en cuisine peuvent être des moments d’intimité hors pair !) ;
– de faire honneur, ce qui ne veut évidemment pas dire tout rafler ou se forcer à se resservir pour faire plaisir à l’autre mais plus largement suivre le rythme proposé par le cuisinier, se mettre au diapason avec lui ;
Du côté du cuisiner, il s’agit principalement d’accueillir la reconnaissance et la gratitude sans s’en sentir indigne, de recevoir des compliments de l’autre sans les minimiser, à coups d’expressions toutes faites du type « ce n’est pas grand-chose » car comme le rappelle la coach Sylvaine Pascual dans ce très bel article « minimiser le plaisir que le geste attentionné nous procure a le défaut de dévaloriser à la fois le donateur et le récipiendaire ». Cela vaut la peine d’apprendre à recevoir, non ?
A noter, donner et recevoir font référence au système de don et de contre-don qui régit toute relation. C’est parce qu’on accepte les déséquilibres et les décalages temporels qui existent inévitablement entre ce qui est donné et ce qui rendu que l’on inscrit la relation en question dans la durée. Et c’est sans doute ce qui explique que certains peuvent avoir du mal à recevoir, par peur de s’engager dans une relation durable. Soulignons aussi que ces deux actions n’ont pas à être strictement égalitaires, c’est l’intention, l’authenticité et la générosité qui prévalent.
Demander
La cuisine nous apprend aussi à demander :
– de l’aide tout simplement : nous sommes beaucoup à nous faire une obligation morale (et souvent rigide) de tout prendre en charge lorsque nous invitons à dîner. C’est oublier qu’on peut aussi s’appuyer sur les autres et demander de temps en temps aux convives de se charger du dessert ou du vin. De la même manière, l’autre n’est pas censé deviner de quelle aide nous avons besoin, à nous d’oser formuler clairement notre demande plutôt que d’attendre et d’espérer sans rien verbaliser ;
– des conseils sur une recette ou un tour de mains : la cuisine nous invite également à accepter de ne pas tout savoir, à assumer nos vulnérabilités ;
– un retour quand il ne vient pas : plutôt que de ruminer dans son coin sur l’absence d’un compliment ou d’une marque de reconnaissance, on peut aussi exprimer à l’autre ce qui est important pour soi, sans le culpabiliser et sans être vindicatif.
Au final, la cuisine nous invite à faire preuve d’assertivité, sans réticence et sans agressivité. Toute la subtilité est alors de demander sans exiger ou contraindre l’autre, d’accepter qu’il fasse différemment et n’accède pas nécessairement à notre demande.
Refuser
La cuisine enfin nous aide à refuser :
– à dire non sans faux semblant, à nous affirmer quand on nous en demande trop (explicitement ou implicitement, tant il est vrai qu’on projette souvent à tort les attentes que peuvent avoir d’autres personnes sur nous) : c’est par exemple refuser d’être le seul à nourrir les autres, refuser que la cuisine devienne une corvée systématique et s’octroyer des moments off telle cette mère de famille qui a institué le dimanche soir « vide-frigo » où chacun se prépare lui-même ce qu’il a envie de manger ;
– de la nourriture quand on n’a plus faim et que l’hôte tient absolument à nous resservir : il s’agit ici de rester connecté avec ses sensations alimentaires et de décliner la proposition avec simplicité, fermeté et un grand sourire ;
– de faire passer les envies des autres systématiquement avant les siennes, quitte à s’oublier en route, et le faire sans nous culpabiliser, en étant conscient que nos besoins sont aussi légitimes et justes que ceux des autres ;
– de faire les choses en mode pilotage automatique et prendre le temps de s’interroger si ce que l’on fait a un sens pour soi : la cuisine est l’occasion de s’émanciper et d’ériger ses propres règles, bref de se réconcilier avec soi.
Donner, recevoir, demander, refuser… 4 verbes à savoir conjuguer en cuisine aussi. Et vous, quelle est votre zone de confort, sur quel axe allez-vous le plus naturellement ? Sur lequel pensez-vous pouvoir vous améliorer ? D’où vous vient cette tendance ? Qu’allez-vous faire concrètement pour ajuster (si besoin) votre comportement ? Autant de questions de cuisine thérapie que je vous encourage à vous poser pour mieux vous connaître ! Belle exploration de vous-même avec la cuisine !
Praticien Cuisine Thérapie :
10 questions pour savoir si ce métier est fait pour moi
Article très intéressant.
Je me suis reconnue dans les personnes qui ont des difficultés a recevoir des compliments sans inévitablement chercher a les minimiser. Je vais essayer de changer de comportement et simplement sourire en réponse a tout compliment.
Merci Emmanuelle !
Quelle toute bonne idée, juste sourire et accueillir 🙂
Merci pour votre retour Laurie, ça fait chaud au cœur !